TROIS PIERRES À NE PAS JETER
pour violin et orchestre de chambre
Trois pierres à ne pas jeter propose de suivre le violon soliste et l’orchestre dans leurs destins parallels, chacun suivant son chemin en une temporalité et un mode d’expression qui lui sont propres. L’idée de lutte, ou du moins, de dialectique entre le soliste et la masse orchestrale n’est nulle part en évidence. La pièce est une suite de trois moments, désignant, comme l’indique la partition, un « avant », un « pendant » et un « après ». Au travers de ces trois moments le violon représente le fil conducteur, flottant par-dessus l’orchestre la plupart du temps, maintenant toujours son caractère indépendant.
Dans le 1er mouvement, le violon poursuit une ligne mélodique plutôt lente qui s’ouvre progressivement, jusqu’à ce qu’elle couvre tout le registre de l’instrument, en passant par toutes sortes de couleurs, d’articulations et de technique de jeu (col legno, sul ponticello, sul tasto, son harmoniques, la demi-pression de la main gauche etc). Pendant ce temps, l’orchestre poursuit, sur presque 10 minutes, une progression harmonique très lente, à travers laquelle les différents accords, initialement très espacés, se resserrent progressivement. La percussion constitue une troisième couche indépendante, proposant tantôt des lavis de sons continus, tantôt des touches légèrement rythmés.
Le deuxième mouvement, volontairement trop court, propose une frontière, une ligne de démarcation séparant deux mondes. Ici le soliste joue une longue ligne mélodique, très large et très libre, presque désinvolte, tandis que l’orchestre en poursuit une autre. La percussion, dont la couleur change sans cesse, renforce la pulsation immuable tout en noires régulières. La texture, très épurée, est ainsi constituée de deux lignes en contrepoint, lesquelles se croisent et se distancient librement.
Le troisième mouvement est une fantaisie libre et donne à entendre une suite de tableaux de caractère improvisé, de moments rapides. Un air de folklore imaginaire est volontairement évoqué à travers l’utilisation d’instruments tels que la guitare, le tambour de basque ou encore la contrebasse. Au début, le soliste ne joue que lorsque l’orchestre se tait, et inversement ; or les matériaux exposés dans la partie soliste et dans l’orchestre ne sont que des facettes différentes de la même idée, comme des variations différées. Les deux solitudes se rejoignent progressivement, mais maintiennent leur indépendance jusqu’à la fin. La harpe et la guitare occupent une place qui grandit en importance dans le processus, rivalisant parfois avec le soliste.
Cette partition témoigne en outre de mon amitié avec Max Haft, à qui elle est chaleureusement dédiée.